Alors que la chirurgie assistée par la robotique explose aux États-Unis (de + 400 % de robots entre 2007 et 2011), un article du New York Times paru le 9 septembre 2013, est venu semer le doute. Cet article fait d’état d’évènements indésirables, voire de décès liés au robot Da Vinci, commercialisé par la société Intuitive Surgical depuis une dizaine d’années. La polémique n’est pas non plus absente en France (cf. le robot en chirurgie : à qui profite-t-il vraiment ? le Monde 16/11/2011)
Le robot Da Vinci, mis en cause dans l’article du New York Times est utilisé pour plusieurs types d’interventions mini-invasives, depuis la chirurgie cardiaque jusqu’au traitement du cancer en passant par la chirurgie de l’obésité morbide ou de la régurgitation mitrale.
L’origine du robot est militaire. C’est dans les années 80 que le Darpa, l’agence de recherche du Pentagone, a demandé à différentes institutions, comme le MIT et la Nasa, de rechercher de nouvelles solutions chirurgicales afin de pouvoir soigner à distance les blessés sur les zones de guerre. C’est sur la base des licences développées par ces institutions que la société Intuitive Surgical a été fondée en 1995 pour commercialiser des applications civiles. Le premier système Da Vinci a ainsi été mis sur le marché en 1999.
La Food and Drug Administration (FDA) américaine a approuvé en juillet 2000, l’utilisation du système chirurgical da Vinci pour des laparoscopies générales comme la cholécystectomie ou le traitement du reflux gastro-œsophagien pathologique. En juin 2001, son utilisation a été aussi approuvée pour la prostatectomie radicale par laparoscopie et la chirurgie par thoracoscopie.
En mai 1998, le robot chirurgical Da Vinci a exécuté le premier pontage coronarien en Allemagne. En 2003, la première prostatectomie avec un Da Vinci est réalisée par le Dr Mani Menon aux États-Unis. Le robot a fait son apparition en France en 2007. Si on est loin de la croissance exponentielle des Etats-Unis (2065), le nombre d’installations a fortement progressé en France. On compte à ce jour 71 installations qui se répartissent de manière équilibrée entre le public (22 CHU + 4 CH) et le privé (30). On compte également 12 équipements dans les ESPIC.
Intuitive Surgical est aujourd’hui en situation de monopole depuis sa fusion avec Computer Motion et l’abandon de son concurrent Zeus en 2003.
Le 107ème congrès de l’Association Française d’Urologie qui vient de se tenir à Paris du 20 au 23 novembre est l’occasion de faire le point sur la chirurgie robotique.
La « chirurgie robotique » est une chirurgie mini invasive par opposition à la chirurgie à « ciel ouvert ». Contrairement à la chirurgie ouverte traditionnelle qui impose des incisions larges lui permettant d’accéder directement aux organes, la chirurgie mini-invasive permet au chirurgien d’atteindre sa cible par des incisions de l’ordre du centimètre grâce à l’utilisation d’instruments longs et fins, couplés à un système d’imagerie vidéo. On parle d’arthroscopie lorsque l’intervention intéresse une articulation, de laparoscopie ou cœlioscopie lorsque l’intervention se situe au niveau de la cavité abdominale et de thoracoscopie au niveau du thorax.
Il y a une vingtaine d’années, l’apparition de la technologie endoscopique a ouvert la voie à cette chirurgie mini-invasive. Elle a permis non seulement de diminuer la taille des incisions et des cicatrices mais également de réduire le traumatisme pré et post-opératoire ainsi que le risque d’infection. Les avantages en termes de douleur et d’esthétique ont contribué à l’expansion rapide de la laparoscopie en urologie, gynécologie et chirurgie digestive.
L’utilisation du robot marque une nouvelle étape dans cette chirurgie mini-invasive. Le chirurgien au lieu d’intervenir lui-même avec les mains sur les instruments de cœlioscopie, intervient à partir d’une console et n’a plus de contact direct avec le patient. Quant à la distance qui peut séparer le chirurgien du patient, chacun a en mémoire la médiatique opération Lindbergh réalisée le 7 septembre 2001. Ce jour-là, la première opération à distance (une cholécystectomie laparoscopique) fut pratiquée de New York sur une patiente installée dans un bloc opératoire des hôpitaux universitaires de Strasbourg.
Le robot Da Vinci se compose d’une console (une option double console existe maintenant) depuis laquelle sont contrôlés les quatre bras robotiques. Afin de guider les mouvements des bras du robot, le chirurgien, assis en face de la console, visionne et intervient sur les images de l’opération en cours de réalisation projetées en 3D haute définition. Le système apporte 2 innovations technologiques majeures : la vision en 3D, ce qui n’était pas le cas avec la cœlioscopie, et la dextérité des bras robotisés qui permet des gestes quasi infaisables pour la main humaine, comme une rotation à 360 degrés.
Attention, c’est bien le chirurgien qui opère et non le robot lui-même ! Il est plus exact de parler d’assistance robotique que de chirurgie robotique.
En termes d’indications, si la prostatectomie a été l’intervention emblématique des débuts (41% des 19 488 prostatectomies effectuées en 2012 l’ont été avec l’assistance d’un robot), la majorité des procédures concerne désormais la gynécologie. Le robot Da Vinci vient d’être utilisé pour la première fois, le 24 octobre 2013, dans une greffe rénale par une équipe du CHU de Tours.
Le coût du Da Vinci avec près de 2 millions € à l’achat et 150 000 € de maintenance annuelle, constitue le principal obstacle à son déploiement. Ce prix génère un surcoût de plus de 2000€ par rapport à une chirurgie traditionnelle. C’est un vrai handicap en particulier dans le secteur privé qui opère plutôt à perte compte tenu d’un tarif du GHS inférieur à celui du public.
Le monopole actuel du robot da Vinci ne joue pas en faveur d’une baisse des prix. Seule une concurrence qui tarde à venir modifiera la donne.
La chirurgie assistée par robot n’a pas que des partisans. Ses adversaires font valoir des durées d’intervention plus longues, des taux de « marges » supérieurs en chirurgie du cancer, la perte du contact tactile et des durées d’apprentissage importantes. Ces arguments sont contestés par les utilisateurs du robot qui mettent en avant son caractère a-traumatique, sa sécurité d’utilisation et des durées d’hospitalisation plus courtes. L’impossibilité de mener des études comparatives randomisées ne permet pas d’arbitrer ce débat. Une étude nationale rétrospective française en cours apportera probablement un éclairage supplémentaire sur les résultats comparés des différentes chirurgies de la prostate.
En attendant, chacun reconnait que l’arrivée du robot est une nouvelle étape dans l’évolution du geste chirurgical. Ce n’est pas que du marketing. Pour autant, les voies traditionnelles qui donnent d’excellents résultats ne sont pas condamnées. Une étape qu’il faudra scientifiquement évaluer, en attendant qu’une diminution des coûts en démocratise l’accès.
Voir : Robotic Surgery - Key Figures
http://www.adexsol.com/-Chiffres-cles-
Photo : Intuitive Surgical®