Médicaments génériques, honoraires de dispensation, nouvelles missions étaient au menu de la table ronde inaugurale de Pharmagora 2014 qui a réuni le directeur général de l’UNCAM Fréderic Van Roekeghem, Isabelle Adenot, la présidente du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens, Philippe Gaertner, président de la Federation des syndicats pharmaceutiques de France, Gilles Bonnefond, président de l’union des syndicats de pharmaciens d’officine et Michel Caillaud, président de l’Union nationale des pharmacies de France. Des échanges courtois qui n’ont pas masqué de réelles divergences.
Médicaments génériques.
Le médicament générique reste un élément majeur de l’économie officinale. C’est 30% de l’économie d’une officine qui en dépend aujourd’hui, un pourcentage jugé trop important pour certains.
Le taux de substitution a dépassé 82% en fin d’année 2013 en dépit d’un contexte défavorable caractérisé par de nombreuses prises de position hostiles au médicament générique. Un effort salué par le directeur général de l’UNCAM qui juge que la France a désormais de bons résultats quant au taux de substitution par rapport aux autres pays européens, en ne manquant pas de faire remarquer au passage qu’ils pourraient être meilleurs si les médecins faisaient « une utilisation raisonnée du NS ». Pour le directeur général de l’UNCAM, les efforts doivent portés sur les prescriptions au sein du répertoire.
Cela ne sera possible, selon lui, qu’avec un engagement de l’ensemble des acteurs de la chaine du médicament, y compris les industriels. Pour le directeur général de l’UNCAM, cela permettrait, entre autres, de prendre en charge plus facilement la véritable innovation comme les molécules récentes dans l’hépatite C.
Pour 2014, l’objectif de substitution a été maintenu à 85%. De nouvelles molécules qui sont génériquées ont été introduites. Un objectif jugé réaliste par les leaders syndicaux - Gilles Bonnefond fait remarquer qu’on atteint les 75% de substitution dans les 6 mois suivant la générification d’une molécule. Philippe Gaertner insiste quant à lui sur l’importance de monter en charge le taux de substitution dès la générification de la molécule. Ce taux de 85% constitue pour Michel Caillaud un maximum qu’il sera difficile de dépasser.
Chacun reconnait qu’il faut passer à une nouvelle étape en impliquant davantage les médecins. Les responsables officinaux souhaitent que l’Assurance Maladie exploite les informations dont elle dispose désormais sur les mentions NS (Non Substituables). Une demande entendue par Fréderic Van Roekeghem qui envisage de « prendre ce problème à bras le corps ! » annonçant même son intention de sanctionner financièrement les médecins qui n’utiliseraient pas cette possibilité avec tact et mesure.
Autre sujet de préoccupation : le taux de marge officiel sur les médicaments génériques est aujourd’hui de 17%. Les pharmaciens souhaite une revalorisation de ce taux qui dans la réalité voisine les 45% avec les remises et avantages commerciaux - « En dessous on perd de l’argent » pour le président de l’USPO qui réclame, comme ses collègues, un nouveau taux voisin de 45% qui ne ferait, selon eux, que stabiliser l’économie officinale
Le débat ne pouvait faire l’impasse sur la question de la générification du paracétamol qui représente un gisement d’économie réel avec un chiffre d’affaires de 570 millions € sur laquelle la décision difficile au plan politique a été remise au lendemain des municipales. Ce fut l’occasion pour Fréderic Van Roekeghem d’évoquer aussi le cas controversé du Lucentis® qui occupe aujourd’hui la première place des remboursements avec 438 millions €.
Accompagnement des maladies chroniques.
Une vraie réussite, pour Philippe Gaertner qui fait remarquer qu’en l’espace de 6 mois, 60% des officines se sont mis dans le dispositif de suivi des AVK. Les pharmaciens qui ont fait une moyenne de 7 entretiens, se sont mobilisés de manière exemplaire pour Gilles Bonnefond qui réclame qu’on aille plus vite pour l’asthme et dans un deuxième temps vers les personnes âgées.
Les syndicats réclament en même temps un tarif à 45€ arguant que le temps d’entretien pour l’asthme sera plus long. Michel Caillaud juge d’ailleurs le dispositif très chronophage !
Nouvelles rémunérations.
Après deux années de négociations, le protocole d’accord signé en Janvier a prévu la création d’un honoraire à la boite d’1€ HT en deux étapes : 0,80€HT au 1/01/2015 et 1€HT au 1/01/2016. A cette date, 47% de la rémunération de la pharmacie d’officine sera indépendante du prix du médicament. Une évolution souhaitée par la profession qui redoute des baisses de prix des médicaments.
L’arrêté de marge a été également revu. Dans ce nouveau système, 84% d’officines seraient gagnantes et 16% perdantes, selon les projections de l’Assurance Maladie.
Les divergences d’appréciation sont réelles sur cette question. Du côté de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et de l’UNCAM, qui ont d’emblée signé l’accord, on défend le dispositif. Pour Philippe Gaertner, la première vertu de cette réforme est de ne pas mettre de nouvelles officines en difficulté, car en ne faisant rien on aurait laissé se poursuivre l’érosion lente et continue des revenus. Pour Fréderic Van Roeckeghem, un honoraire par ordonnance aurait conduit droit dans le mur en occasionnant des transferts de marges entre officines qui auraient favorisé les officines installés dans les centres commerciaux au détriment de celles qui délivrent à des patients moins nombreux mais plus lourds. La prochaine étape consistera, pour le responsable de l’UNCAM à rendre la rémunération des pharmaciens indépendante non seulement du prix du médicament mais aussi de son volume en allant vers une rémunération liée au service rendu à la population comme c’est le cas avec les dispositifs d’accompagnement des malades chroniques.
Tonalité plus critique, par contre, du côté des deux autres syndicats. Gilles Bonnefond qui s’est résolu à signer l’accord, dénonce un système bricolé qui présente plus d’inconvénients que d’avantages et qui ne prépare pas l’avenir de la profession. Michel Caillaud dont le syndicat n’a pas signé l’accord aurait préféré qu’on affecte d’emblée 1€ par ordonnance dans l’économie officinale soit un montant de 550 millions€ et qu’on évalue le dispositif au bout d’1 an ou 2 et pose la question du devenir des 16% des officines qui seront perdantes.
Les accords seront-ils signés au plus tard durant la deuxième quinzaine d’avril pour entrer en vigueur au 1er janvier 2015, comme le souhaite l’UNCAM. Les syndicats veulent y voir plus clair. Entre surenchères à la veille d’élections syndicales et esprit de responsabilité, les choix seront difficiles !
Ce qui est sûr, c’est que l’exercice officinal est en train de prendre un virage, comme l’a souligné Isabelle Adenot et c’est souvent dans le virage qu’une course se gagne ou se perd !