Dans un avis rendu le 19 décembre 2013, L’Autorité de la Concurrence s’est prononcé pour l’ouverture de la vente d’un certain nombre de produits délivrés aujourd’hui exclusivement en officine. Il s’agit de produits dits « frontières » - autotests de grossesses, produits d’entretien des lentilles, dispositifs de diagnostic in vitro - et des médicaments d’automédication qu’ils soient remboursables ou non, prescrits ou non.

La loi Hamon sur la Consommation, actuellement en deuxième lecture au Sénat, va probablement suivre l’Autorité de la Concurrence en autorisant la vente des produits d’entretien des lentilles et des tests de grossesse dans la grande distribution. Il va falloir attendre le texte final de la loi pour savoir si la vente de lunettes et de lentilles sur internet est également autorisée.

Quid des médicaments d’automédication ?

En France, les avis sont partagés sur le sujet, comme en témoigne la table ronde organisée par l’Autorité de la concurrence, ce mardi 28 janvier.

L’UFC Que choisir et les représentants du commerce (la FCD) sont pour.
L’association de consommateurs estime que l’ouverture du marché de l’automédication en France permettra d’augmenter de 10 % le nombre de points de vente de ces médicaments qui seront ainsi plus largement disponibles pour les consommateurs. Elle permettrait également une économie totale comprise entre 11,4 % et 16,3 % de leurs dépenses de médicaments à prix libres. Soit un gain potentiel de 270 millions d’euros ».
Même son de cloche du côté des distributeurs qui annoncent une baisse substantielle des prix sur les médicaments d’automédication s’ils sont vendus dans leurs espaces dédiés à la parapharmacie.

Le ministère chargé des affaires sociales et de la santé et les organisations représentatives des pharmaciens (Ordre ou syndicats) sont contre.

Divers arguments sont évoqués :

• Seul un pharmacien d’officine est en mesure de délivrer un conseil pharmaceutique au patient.
• Le médicament n’est pas un produit comme un autre et doit être distingué de la parapharmacie.
• Le salarié d’une parapharmacie ou d’une grande surface de distribution sera contraint par des objectifs de résultats en termes de chiffre d’affaires, au détriment du patient.
• L’ouverture à une concurrence pratiquant des prix plus bas qu’en officine favorisera la surconsommation de médicaments.

A l’étranger, plusieurs modèles cohabitent :

• Un modèle dérégulé comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni où les médicaments sans ordonnance sont vendus dans les parapharmacies ou d’autres points de ventes en dehors de la présence d’un pharmacien.
• Un modèle règlementé comme celui de la France.
• Un modèle mixte en vigueur notamment en Italie depuis un décret-loi de 2006.

L’Autorité de la concurrence veut que la France s’inspire du modèle italien où certains médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire peuvent être vendus dans les supermarchés ou des parapharmacies - sous contrôle d’un pharmacien.

Plusieurs pays d’Europe tels que la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie ont suivi cette approche mixte. Dans tous ces pays, les médicaments dont la commercialisation a été libéralisée doivent toujours être vendus par un pharmacien diplômé, qu’il se trouve dans une pharmacie, une parapharmacie ou dans un espace dédié d’une grande surface.

Jusqu’à quand va tenir le modèle français ? La pression est forte du côté des associations de consommateurs et de la grande distribution. Michel-Edouard Leclerc demande au gouvernement « d’agir sans attendre » en intégrant cette proposition à la loi Hamon en discussion. C’est peu probable.

Marisol Touraine continue à affirmer « son attachement au monopole officinal sur les médicaments, qui permet à notre pays de sécuriser leur dispensation et d’agir efficacement contre la contrefaçon, tout en garantissant l’accès de nos concitoyens aux médicaments sur l’ensemble du territoire »

Pour beaucoup l’évolution semble inéluctable. Une chose est sûre. Cela ne pourra se faire que si la rémunération des pharmaciens n’est plus liée au prix et au nombre de boites de médicaments vendues.