L’éditorial du numéro du 25/31 janvier 2014 du Lancet traite des progrès récents dans le traitement du virus de l’hépatite C (VHC) et pose de vraies questions sur l’accès à ces nouveaux traitements d’un coût élevé. En voici un résumé commenté :
2014, marque le 25ème anniversaire de l’identification des virus de l’hépatite C. L’infection par le VHC continue d’être un problème majeur de santé globale. 350 millions de personnes dans le monde vivent avec une hépatite chronique, dont quelque 150 millions sont atteintes d’une hépatite C chronique. Pour 50 à 90 % d’entre eux, l’évolution de la maladie les conduira vers une cirrhose ou un cancer du foie. Les régions de plus forte prévalence sont l’Asie, l’Afrique sub-saharienne et l’Egypte, mais un peu partout certains groupes comme les usagers de drogues injectables ou la population carcérale présentent des taux élevés d’infection par le VHC. L’hépatite C est en effet principalement transmise par voie sanguine et faiblement par voie sexuelle.
Contrairement à nombre de maladies chroniques, l’hépatite C peut être guérie, mais est difficile à traiter. Tous les patients ne sont pas sensibles au traitement - les effets secondaires peuvent être sévères et la progression vers un stade terminal d’une maladie du foie ou vers un cancer du foie est assez fréquente.
Ces dernières années ont vu l’apparition de nouveaux médicaments et de nombreux experts prédisent l’éradication de la maladie.
Rappelons que le VHC a six génotypes principaux et le génotype détermine la réponse au traitement et sa durée. Les génotypes 1 à 3 ont une répartition mondiale. Toutefois le génotype 1 prédomine en Amérique du Nord, en Europe et au Japon avec environ 50% des cas en France. Ceci explique que l’industrie pharmaceutique ait privilégié la recherche sur ce génotype.
Les nouvelles modalités de traitement se font en une prise orale par jour avec inclusion optionnelle de ribavirine sans addition de peginterféron. Les comprimés ou injections multiples ne sont plus nécessaires. Ces nouveaux agents sont appelés antiviraux à action directe (DAAs).
Dans des essais cliniques de phase 2, dont les résultats ont été récemment publiés, les DAAs Sofosbuvir et Daclatasvir et les DAAs expérimentaux ABT-450, ABT-267 et ABT-333 en combinaison avec des inhibiteurs de protéases connus, ont montrés des taux élevés d’élimination virale (83–100 %) chez les patients déjà traités ou non avec le génotype 1 du VHC après une courte durée de traitement (12 semaines vs 48 semaines). La tolérance est également meilleure que celle avec le traitement standard incluant le peginterféron.
La réponse au traitement a aussi été meilleure chez les patients avec les génotypes du VHC 2 et 3 avec une surveillance clinique et biologique réduite. Des recherches sur d’autres DAAs sont en cours. Les résultats sont attendus dans les deux prochaines années.
L’approbation réglementaire rapide de Sofosbuvir de Gilead Sciences aux USA et en Europe (et un examen accéléré de Daclatasvir de Bristol-Myers Squibb) a été accompagnée de rapports des entreprises promettant un accès rapide des patients à ces traitements. Mais étant donné qu’on estime que 90 % des 184 millions de personnes atteintes de l’hépatite C vivent dans des pays à revenu faible et moyen, quelle sera l’accessibilité à ces nouveaux médicaments au plan global ?
L’inconvénient principal de ces nouvelles molécules est, en effet, leur prix élevé, ce qui rendra l’accès au traitement difficile tant dans les pays développés que dans les pays en développement.
L’accès aux traitements actuels est déjà difficile en raison de leur coût. Douze semaines de traitement par le Sofosbuvir coûtent 84 000$ US, bien au-dessus de l’estimation de certains experts.
Ces experts, en considérant que ces nouveaux traitements sont comparables dans leur structure moléculaire et chimique aux anti-rétroviraux du VIH, ont estimé, à partir de la même dynamique de marché, les coûts de fabrication à 100/250 $ pour une séquence de 12 semaines de traitement. Ils en ont conclu qu’à ces prix, l’accès généralisé à ces nouveaux médicaments serait possible dans les 15 ans. Bien que les fabricants se soient engagés à offrir des rabais de 75% aux pays à faible revenu, les patients vivant dans les pays à revenu intermédiaire, considérés comme des marchés émergents et dans lesquels vivent environ 75 % des personnes atteintes de l’hépatite C ont peu de chances de bénéficier de ces remises.
Fait intéressant dans le contexte actuel, le brevet du Sofosbuvir est actuellement contesté en Inde et pourrait permettre aux fabricants de génériques indiens d’entrer dans le marché et ouvrir la route à des réductions de prix importantes comme on l’a vu avec les médicaments anti VIH.
L’autre sujet de préoccupation est le fait que les tests de ces nouvelles thérapies sont limités à des génotypes moins fréquents et marginalisent des populations proportionnellement plus affectées par le VHC. Ainsi ces tests ont été peu pratiqués, par exemple, chez les personnes co-infectées par le VIH. Même si la perspective de voir des traitements pan-génotypiques efficaces est ouverte, beaucoup de pays sont encore loin de ces scénarios.
L’éditorial du Lancet conclut à la nécessité d’un plan global pour l’hépatite C. Ce plan devrait fixer des priorités pour la recherche et la mise en œuvre des traitements avec des mécanismes de financement globaux. Déjà en 2013, Tido von Schoen-Angerer et ses collègues, dans une lettre du Lancet , avaient fait valoir qu’UNITAID avait réussi à faire baisser les prix des traitements du VIH et qu’on devrait faire la même chose pour les médicaments de l’hépatite C.
C’est une conclusion que nous partageons.