Le nombre de décès dû à l’épidémie Ebola qui sévit en Afrique de l’Ouest (Sierra-Léone, Guinée et Liberia) depuis début 2014 vient de franchir la barre des 10 000 morts. Si on est loin de l’affolement médiatique des premiers mois, le virus n’a pas été éradiqué et le nombre de cas est même reparti à la hausse, ces dernières semaines.
La maladie Ebola est apparue pour la première fois en 1976, lors de deux flambées simultanées à Nzara (Soudan) et à Yambuku (République démocratique du Congo) situé près de la rivière Ebola, qui a donné son nom à la maladie.
Le virus Ebola appartient à la famille des filovirus. Cinq sous-espèces du virus ont été identifiés : Zaïre dont fait partie celui à l’origine de l’épidémie actuelle, Bundibugyo, Soudan, Reston et Foret de Taï. Si le virus Ebola se caractérise par une structure moléculaire simple avec 7 gènes et une contagiosité plutôt faible par rapport à d’autres virus, il est, par contre, à l’origine d’une létalité élevée.
Les chauves-souris sont les hôtes naturels du virus Ebola, comme d’ailleurs de nombreux autres virus. Une meilleure compréhension du système immunitaire de la chauve-souris et des mécanismes de transmission à d’autres espèces doit constituer une priorité de la recherche dans les mois qui viennent sans attendre de nouvelles épidémies dues à d’autres virus. « Il ne faut pas attendre une crise pour que la recherche se mette en mouvement » rappelle très justement le Pr Jean-François Delfraissy, nommé coordonnateur interministériel des opérations nationales et internationales de réponse à la crise Ebola, depuis octobre dernier.
Avant 2014, le virus avait déjà provoqué une quinzaine de petites épidémies en zone rurale, principalement dans le centre de l’Afrique mais avait suscité que peu d’intérêt en raison du faible nombre de cas et faute de temps car l’épidémie s’était entre-temps terminée.
Les choses ont changé, cette fois-ci. Le nombre de cas est beaucoup plus important. L’épidémie, qui dure depuis plus d’un an, concerne plusieurs pays. Elle est urbaine, alors que, jusqu’à présent, elle était localisée dans des villages. C’est le grand Conakry qui est principalement concerné aujourd’hui. Les trois pays touchés sont majoritairement musulmans avec des cultures particulières, avec des coutumes d’enterrements qui ont facilité la diffusion de l’épidémie. La déforestation de ces dernières années a aussi eu pour effet de rapprocher les chauves-souris des zones d’habitation. De même, l’élévation du niveau de vie a contribué à l’augmentation du trafic en taxi-brousse et rompu l’isolement des villages. « La réponse n’est pas que biomédicale. Elle doit être aussi sanitaire et sociale » souligne JF Delfraissy.
L’épidémie a aussi touché des pays comme le Mali, le Sénégal et le Nigeria. La France a joué un rôle important au Mali dans la mise en place des premières mesures, dès les premiers cas, et cela a permis de stopper l’épidémie.
La France s’est principalement mobilisée en Guinée, l’Angleterre au Sierra Leone et les Etats-Unis au Liberia. La coopération internationale semble avoir bien fonctionné tant en recherche qu’en organisation des soins. Il en été de même au niveau européen. La commission européenne a débloqué des financements à travers le programme « Innovative medicines initiative » pour un montant total de 125 millions d’€ autour de huit projets de recherche dont les trois essais à grande échelle des deux vaccins candidats, développés par Merck et GlaxoSmithKline.
Au niveau thérapeutique, deux médicaments enregistrés pour d’autres indications ont été proposés parce qu’ils sont efficaces contre le virus Ebola in vitro : le favipiravir et le brincidofovir. Le favipiravir est en cours d’étude en Guinée depuis décembre 2014.Une étude avec le brincidofovir, commencée au Libéria en janvier, a été interrompue en février pour un manque d’efficacité. Un essai français non randomisé (JIKI Trial) cofinancé par la Commission européenne a permis de tester le favipiravir en parallèle sur le primate et chez l’homme alors que les choses se font habituellement de manière successive. Les premiers résultats ont été obtenus chez l’homme. Elle réduit de 50% la charge virale moyenne ou basse mais elle n’est pas suffisamment efficace seule dans le cas de charge virale élevée.
Deux autres produits développés spécifiquement contre la maladie à Ebola sont prêts à entrer en clinique, peut-être en Sierra –Leone : le ZMapp (Leafbio, USA) et le siRNA de Tekmira (USA, Canada).
Les 2 vaccins les plus avancés, sur le plan de l’évaluation clinique, sont le rVSV-ZEBOV de Merck Vaccines et le ChAd3-ZEBOV de GSK-NAID. D’autres candidats vaccins devraient être testés prochainement.
Aller plus loin : http://www.leem.org/sites/default/files/Slides%20-%20JF%20Delfraissy.pdf